IV. ANALYSE
a) Partie A : Mes.1 à 52 – de 0’ à 1’08 – Mp3
Le début de la pièce pose les éléments principaux, tout d’abord de manière simple, afin qu’ils puissent être facilement identifiables :
- L’ostinato de wood-block (pulsation)
- L’ostinato de 3 notes de clarinettes (en hémiole)
- Des accents aux cuivres, tout d’abord, synchronisés avec la pulsation

Petit à petit, tout en gardant le même principe, Adams va ajouter des strates et décaler les éléments les uns aux autres, comme si tout allait se détraquer.
C’est le principe de cette pièce : des éléments simples mais organisés, progressivement, de manière de plus en plus complexe.
Les accents aux trompettes, très vite, ne doublent plus la pulsation mais se décalent (en hémiole) par rapport à la pulsation :

Les trompettes sont rejointes par les autres cuivres (trombones et cors), la musique gagne en puissance et le timbre s’enrichie :

Les fusées de flûtes et hautbois arrivent et se décalent, elles aussi, par rapport à la pulsation (timbre de plus en plus riche, sensation de désordre) et enfin la caisse claire vient, elle aussi, marquer des accents décalés par rapport à la pulsation.
ECOUTE : début de A.
Essayez de bien repérer les éléments suivants :
- Ostinato de wood-block
- Ostinato de clarinette
- Trompettes avec la pulsation
- Trompettes qui se décalent
- Arrivée des autres cuivres (trombones et cors)
- Arrivées des fusées
- Arrivée de la caisse claire.
L’harmonie, elle aussi, part de très simple pour se complexifier petit à petit.
Cette première partie est modale. Elle utilise un mode de sol sur ré, autrement dit, c’est une gamme de sol (avec un fa#), mais jouée à partir de ré :

Au début, il y a juste 3 notes (ré-mi-la), puis Adams ajoute progressivement les autres notes du mode.


On aboutit très vite à un cluster (une grappe de notes) :

Comme dans toutes les musiques modales, on a donc une sensation de stagnation (puisque ce sont toujours les mêmes notes qui sont utilisées), mais ici avec une évolution néanmoins, une progression.
L’harmonie fonctionne donc comme le rythme et le timbre, cela part de simple pour se complexifier petit à petit.
A tous ces éléments s’ajoutent un crescendo sur toute la partie et une augmentation de l’ambitus général (la musique s’étend progressivement vers le grave et vers l’aigu).
ECOUTE : Partie A (essayez de repérer tous les éléments évoqués).
b) Partie B : Mes. 53 à 81 – de 1’08 à 1’50 – Mp3
Cette partie fonctionne un peu de la même manière que la 1ère : crescendo et complexification progressive.
L’ostinato de wood-block est toujours présent, ainsi que celui de clarinettes. Les cuivres continuent de marquer leurs accents irréguliers, mais ils sont ici rejoints par les bois (qui arrêtent leurs fusées) et par les cordes (qui font leur entrée).
On a donc ici, une sensation de puissance plus importante que dans la première partie. L’écriture est très verticale en tutti.

La caisse claire est remplacée par la grosse caisse à pédale (son très sec) qui va marquer des accents aussi très irréguliers :

On voit clairement sur la forme d’onde l’emplacement (très irrégulier) de ses accents de grosse caisse :

A la fin de la partie, ces accents vont gagner tout l’orchestre. La grosse caisse à pédale est remplacée par grosse caisse d’orchestre (son plus large) et les accents sont doublés par les cuivres et les cymbales ➞ Fin très puissante :

Sans rentrer dans le détail, l’harmonie est plus complexe que dans la 1ère partie, mais fonctionne de manière similaire : complexification progressive (de quelques notes à un cluster).
A la fin de la partie, la musique se calme et on revient à une rythmique plus « carrée », la pulsation reprend le dessus. Adams change de wood-block, il passe à un son plus grave (jeu sur le timbre) et l’ostinato de clarinette s’arrête pour la 1ère fois depuis le début de la pièce (sensation d’aération), c’est la transition vers la partie suivante :

c) Partie C : Mes. 82 à 121 – de 1’50 à 2’46 – Mp3
Cette partie fonctionne à nouveau de manière identique : crescendo et complexification progressive.
Dans cette partie, tous les instruments jouent en tutti en noire de manière très carrée, la pulsation est à nouveau très présente (wood-block). Mais les instruments graves (tuba, contrebasson et contrebasse), doublés par la grosse caisse et le tambourin, jouent un nouveau motif en hémiole (ici un groupement de 2 dans une mesure à 3) :

Cette hémiole sonne de manière un peu jazzy et fait référence aux lignes de contrebasse (ou de tuba pour le jazz ancien) que l’on peut rencontrer dans cette musique (walking bass).
Ce nouveau motif « walking bass » va se poursuivre sur toute la partie. Il sera rejoint, vers le milieu de la partie, par le retour des accents en tutti : sensation de confusion progressive, passage très polyrythmique :

La musique progresse vers l’aigu, doublé d’un grand crescendo. L’harmonie se complexifie petit à petit (enchainement d’accords tendus dans plusieurs tonalités).
Tous ces éléments donnent une sensation de désorganisation progressive. La partie aboutit à un climax (point culminant) en tutti, triple forte :

2 dernière mesures de C aux cuivres :

ECOUTE : Partie C
Écoutez à nouveau la partie en essayant de bien entendre :
- La superposition des différentes strates rythmiques (pulsation, motif grave, accents),
- Le crescendo,
- Les enchainements d’accords (par blocs),
- La progression vers l’aigu,
- La création progressive de « désordre »,
- Le climax final.
Cette partie adopte donc une organisation identique aux parties A et B :
Pulsation
Jeu de décalages rythmiques
Polyrythmie
Désorganisation progressive
Crescendo
Augmentation de la tension
Climax final
Mais avec des timbres et des motifs différents.
C’est une constante chez ce compositeur, un principe général répétitif (pour ne pas perdre l’attention de l’auditeur) mais des évolutions, des « désorganisations », pour rendre la musique intéressante néanmoins.
d) Partie D : Mes. 122 à 137 – de 2’46 à 3’10- Mp3
Cette partie est une courte partie de transition avant la partie E, apothéose et point culminant de la pièce.
On retrouve dans cette partie toujours le même procédé : superposition d’éléments simples puis décalages et tension.
Il y a dans cette partie :
- L’ostinato de wood-block (toujours le même mais retour au son aigu) :

- Des accents sur des notes répétées aux cuivres et aux vents. Ils seront doublés par les percussions petit à petit :

- Une nouvelle série d’accents irréguliers, aussi sur des notes répétées, aux cordes et aux flûtes piccolo (son très incisif, tranchant) :

- Des sons très graves, en notes tenues, aux bassons, contrebassons, tuba et contrebasse. L’harmonie dans cette partie se stabilise à un accord de Ré (ré–fa#–la), mais cette note grave est un do, ce qui crée une tension supplémentaire :

A la fin de la partie, accalmie, la majorité des instruments joue des notes répétées en noires, synchronisées avec la pulsation et retour de l’ostinato de 3 notes de clarinettes :


ECOUTE : Partie D
Réécoutez cette partie en essayant de bien entendre :
- L’ostinato de wood-block
- Les accents aux cuivres, doublés petit à petit par les percussions
- Les nouveaux accents aux cordes et piccolos
- Les sons graves en notes tenues
- L’accalmie à la fin
e) Partie E : Mes. 138 à 180 – de 3’10 à 4’12- Mp3
Cette partie est le climax de la pièce.
C’est la seule partie à fonctionner un peu différemment des autres parties.
On ne va pas retrouver ici le système d’accents sur des notes répétées que l’on a dans les autres parties, ni le principe du décalage.
Ici, c’est un nouveau procédé qui est mis en avant : l’écriture en contrepoint entre les trompettes et les cors et l’opposition entre cette écriture savante et le tutti de l’orchestre.
La majorité des instruments continue en effet leurs ostinatos en notes répétés de manière très régulière, très métronomique :

Mais pour la 1ère fois, une réelle mélodie, un thème, émerge de cet ensemble. Il est joué aux trompettes en valeurs longues. C’est un thème très « héroïque », qui prend ici une sonorité plus martiale, plus « patriotique ». Il est accompagné en contrepoint par une seconde mélodie aux cors (sonorité très solennelle) :

Cette écriture en contrepoint, très élaboré, donc une écriture savante, est en totale opposition avec l’écriture en tutti du reste du reste de l’orchestre (écriture verticale en « fanfare »).
Par ailleurs, l’ostinato de wood-block disparait pour la 1ère fois et est remplacé par un ostinato de xylophone. Encore un jeu sur les timbres, qui permet de garder un principe général identique mais de varier la musique, de la rendre plus vivante :

A nouveau, la partie est un vaste crescendo :

Avec augmentation progressive de la tension :
- Foisonnement orchestral de plus en plus important,
- Harmonie qui se complexifie progressivement, changements d’accords très irréguliers,
- Nuances qui augmentent globalement, mais avec beaucoup de soufflets :

- Ambitus qui s’élargit.
Une partie qui est donc différente, plus élaborée et qui apporte de la nouveauté et de la surprise dans cette pièce.
C’est en cela que J. Adams se démarque des compositeurs purement répétitifs, en réussissant à apporter plus de variété, de contrastes et d’opposition dans ses pièces, mais tout en restant dans un système qui est globalement répétitif.
Enfin, une courte coda, permet de conclure la pièce, de manière simple et efficace. Retour des accents aux cuivres, doublés par les percussions, puis cadence qui se termine sur un accord lumineux de Ré majeur (triple forte) :
