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ATOM HEART MOTHER

ANALYSE (section 1)


2. Analyse.

a)« Father’s Shout » (« le cri du père », de 0:00 à 2:54)

INTRODUCTION (de 0:00 à 1:25) INTRODUCTION

L’œuvre débute par un « mi » grave à l’orgue (tonalité principale de AHM, il y a une erreur sur la partition, il est indiqué mib, mais c’est bien un mi qui est joué)

Puis, entrée des trombones sur sol#-ré#, qui donne avec le mi, une impression de polytonalité (la polytonalité consiste en la superposition d’éléments musicaux appartenant à des tonalités différentes).

Puis entrée des trompettes sur une gamme par tons (très utilisée par Debussy, elle donne une atmosphère très éthérée), mais harmonisée à la seconde (donc dissonante). Intro TP

Ensuite, de ce chaos émerge le thème principal de l’œuvre (A) à l’état encore embryonnaire aux trois cors (mes. 10) :  Intro Th_a

puis un motif chromatique aux trompettes (que l’on retrouvera par la suite), accompagné par la grille harmonique du thème principal A (mes. 13) : Motif chromatique

Après une demi-cadence (mes 15, arrêt sur la dominante Si), s’ensuit un passage très chromatique qui tourne autour de l’accord de ré# 7dim (extension de la dominante de mi), comme une longue cadence, qui ne fait que suspendre le temps dans l’attente du thème principal. longue cadence

Cette introduction fonctionne donc comme une approche progressive vers l’émergence du thème principal de l’œuvre  :

– De l’inorganisé vers une structure musicale identifiable,
– De sons « bruités » vers des sons musicaux,
– De la dissonance vers la tonalité,
– De l’horizontalité vers la verticalité́,
– Du savant vers le populaire,
– De motifs disparates vers l’émergence d’un thème très identifiable,

mais aussi :

– Préfiguration du thème A mesure 10,
– Esquisse de l’harmonie de A mes. 13 (et motif chromatique)
– Installation de la tonique mi dès le début,

Cette introduction est en parfaite opposition avec le thème A, néanmoins, tout les ingrédients de ce thème y sont déjà présents.

Les influences de Ron Geesin pour cette introduction.

ECOUTES :

– L’or du rhin, « Prélude » (1869) de Richard Wagner (1813-1883 ) L’or du rhin
– « La chevauchée des Walkyries » (de Die Walküre, 1870), de Richard Wagner La chevauchée des Walkyries
– Le sacre du printemps, « Introduction » (1913) de Igor Stravinsky (1882-1971) Le sacre du printemps
– Amériques (1921) de Edgard Varèse (1883-1965) Amériques
– Déserts (1954) de Edgard Varèse Déserts

Wagner et Varèse sont deux compositeurs qui ont énormément marqués Ron Geesin. L’un par son écriture chromatique et l’utilisation des cuivres, l’autre par son écriture polytonale et ses expérimentations électro-acoustiques (bruitage, spatialisation, etc…).

THÈME A THÈME A

Ce thème se divise en 3 sections A1 – A2 – A1

A1 (mes.20)

C’est le thème principal de l’œuvre (cor 2, mes.20) :

Ce thème est de Gilmour, dans The Amazing Pudding, on peut l’entendre ainsi :

Il avait baptisé ce thème Theme from an Imaginary Western. Waters lui trouve un caractère épique, ou tout au moins cinématographique (ceci rappelle qu’à l’époque, le groupe travaille parallèlement sur des musiques de films). Par ailleurs, le fait qu’il soit joué au cor, renforce aussi son aspect « viril » et caractère « grande chevauchée Western ».

Ce thème respect la carrure (4×2 mes.), dans le jargon rock, on dit qu’il est « carré ». Il est construit ainsi : a a’ a’’ b, les 3 premières phrases présentent le saut d’octave caractéristique.

Il s’organise selon une progression vers l’aigu (le cor 1 reprend le cor 2 à la mes. 25), jusqu’à un climax (point culminant) sur le do.

On note enfin une alternance binaire/ternaire qui est issu des thèmes « héroïques » de musique de films, confirmée par l’utilisation du cor, instrument de prédilection des compositeurs pour l’image, lorsqu’il faut donner un caractère grandiose à une scène.

ECOUTE : « Prologue » (du film Hook, 1991), de John Williams. Prologue

La « grille » qui accompagne ce thème est caractéristique des enchaînements d’accords du rock psychédélique et progressif, dans la mesure où il prend largement appui sur des degrés faibles de la gamme. Cette grille, bien que tonale (elle n’est plus polytonale comme l’introduction, elle est clairement en mi), présente donc des couleurs modales :

(les anglo-saxons utilisent des lettres plutôt que des notes, A = la)

accordsmi (Em)SOL (G)FA (F)DO (C) mi (Em)SOL (G)LA (A)SI (B) mi (Em)SOL (G)FA (F)
degrésIIIIIIbVI IIIIIVV IIIIIIb
couleurmodalemodalemodaletonaletonalemodalemodale

Rappel : La tonalité s’appuie essentiellement sur les degrés I, IV et V, l’utilisation d’autres degrés a tendance à donner une couleur modale à la musique.

On va retrouver ce thème à plusieurs reprises dans AHM :

– mes 20 (première exposition), à 1’25
– mes 37 (fin de 1-Father’s Shout), à 2’21
– mes 248 (fin de 4-Funky Dung), à 15’00
– mes 248 (début de 6-Remergence), à 19’12
– mes 299 (fin de 6-Remergence), le thème en lui-même disparaît (il ne reste que les accords), à 22’13

Attention, mes 248, le conducteur mentionne « 5-Remergence » car Mind your throats, please (qui est entièrement bruitée) n’y figure pas. Pour suivre sur la partition, Funk Dung fini à 256 et Remergence commence à 248, dans la version audio, le thème A est donc joué avant ET après  Mind your throats, please). 

Chaque exposition du thème présente un accompagnement différent :

On ne peut pas parler de développement du thème, comme dans une forme sonate (cf : 5ème de Beethoven), mais le thème n’est néanmoins jamais présenté de la même manière. Il est accompagné en contrepoint à 2 ou 3 voix.

Contrepoint : écriture « savante » qui consiste à superposer plusieurs mélodies. On parle d’écriture horizontale (à l’inverse d’une écriture verticale de type « accord »).

A2 (ou « transition », mes. 29) : A2

On retrouve ici le climat de l’introduction et le motif des mesures 10 et 13-14 aux trompettes. 

Construite sur un motif chromatique circulaire joué par la trompette (note « polaire » mi), que trombones et tuba ponctuent de brèves interventions dissonante (7ème), en quartes et quintes à vide, dans une écriture atonale (mes. 31) :
Ecriture atonale : pas de tonalité de référence. Ecriture libre, souvent dissonante. 

La 8ème fois (mes. 36), retour à un langage tonal pour les deux derniers temps – 1⁄2 cadence (accord de Si 7) pour la reprise du thème :

De nombreux bruitages complètent cette partie parmi lesquels : hennissement puis galop de cheval, explosions, démarrage d’une moto (ils sont joués au mellotron et sont spatialisés).

Le caractère bruités, les dissonances, le motif chromatique, beaucoup d’éléments qui rappellent donc fortement l’introduction de AHM.

A1 (mes. 37) : A1

Retour du thème A1 mes. 37, joué aux 3 cors, accompagné, en contrepoint, par les trombones et le tuba.